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Si loin et pourtant si proches

Dernière mise à jour : 20 mai 2021

En 2012 je suis parti deux mois au Népal pour une mission humanitaire. Etape forte du voyage, le séjour dans le village de Kuch va bousculer toute ma vision du monde et mes certitudes.

 

26 juillet 2012 - Arrivée au bout du monde !

Ca y est, Audrey et moi sommes enfin arrivés à destination au village de Kuch ! La route n'était pas de tout repos : nous avons fait deux jours et deux nuits de bus local - au confort sommaire - pour arriver dans la ville de Dhangadhi à l'extrême ouest du Népal, puis encore 12h non stop pour atteindre le petit village totalement perdu au milieu des rizières. Nous sommes en début de mousson, la piste n'est pas goudronnée sur toute la dernière partie et passe à flanc de montagne... il vaut mieux faire confiance au chauffeur (et au destin) ! En plus Audrey et moi ne sommes pas très en forme depuis quelques jours, sans doute un repas qui est mal passé. Et moi qui pensais naïvement qu'après un mois sans encombre niveau nourriture, j'étais sauf...



Heureusement ce long voyage est immédiatement balayé par l'excitation d'atteindre notre destination. Le bus effectue un arrêt au milieu de nulle part et le chauffeur nous indique par un signe que c'est là que nous devons descendre : plus personne ne parle anglais depuis un moment, les arrêts ne sont pas marqués et quand bien même nous ne pouvons pas lire leur langue... la confiance est obligatoire !


Dès que nous posons un pied en dehors du bus notre différence étonne, et les habitants de Jhota [petit village à quelques kilomètres de notre destination finale qui se trouve un peu plus loin dans les montagnes] se rassemblent immédiatement près de nous. Notre couleur de peau, nos traits, nos vêtements et notre allure sont repérables de loin et un petit attroupement se forme, poussé par la curiosité tout d'abord, puis la joie d’accueillir des étrangers - ce n'est que la 3e fois que des occidentaux se rendent dans cette région isolée. Un jeune d'une vingtaine d'année se présente comme interprète car il a appris quelques mots d'anglais à l'école, puis quelques uns nous escortent au milieu des rizières jusqu'à Kuch.



Sur place nous rencontrons le responsable du village qui accepte immédiatement de nous héberger et de nous nourrir pour plusieurs jours, en refusant toute rétribution financière. C'est très touchant et inspirant d'être traité si généreusement alors qu'il ne nous connaît pas, que nos cultures sont différentes et que nous n'avons même pas pu les prévenir de notre arrivée. En plus notre "chambre" est une des plus confortables du village et surtout elle nous est réservée ! Traditionnellement toute la famille dort dans la même pièce ...



27 juillet 2012 - Un dépaysement total

Quel dépaysement ! Après cette première journée ici, je me sens vraiment au bout du monde. Le calme est magnifique, et jusqu'à même devenir inquiétant : nous ne sommes pas habitués finalement à être aussi loin de notre "progrès" rassurant. Difficile d'imaginer depuis notre petite vie confortable à quoi ressemble une journée sans aucune technologie, sans WC ni douche, sans supermarché, sans voiture, sans plaque ni four pour faire à manger, sans mp3 pour écouter de la musique, sans internet, sans ordinateur ... Les journées passent en travaillant dans les rizières et les plantations de légumes qui leurs fournissent la quasi totalité de leur nourriture. Ou bien à faire la cuisine, réparer la maison à l'aide de paille et de bouse de vache (très efficace, promis !), donner à manger aux quelques bêtes... Et il reste malgré tout pas mal de temps libres où on se rassemble, on discute, on attend patiemment la tombée de la nuit qui marquera la fin de la journée... en faisant de la cordelette par exemple (cf. photo de droite).



La barrière de la langue est la première difficulté que nous rencontrons. Un étudiant à l'université est en vacances et parle suffisamment d'anglais pour les besoins très basiques mais ensuite on se fait comprendre par gestes. Petite anecdote : quoi qu'il arrive notre traducteur répond toujours par "okay okay" à n'importe laquelle de nos questions. A midi nous lui avons demandé s'ils pouvaient pimenter un peu moins le traditionnel "dal bhat" car notre langue fond à chaque bouchée. Soulagés qu'il ait compris notre détresse, nous avons vaillamment attaqué le repas du soir. Et ben non nous avons réalisé en sentant nos papilles s'enflammer que "okay okay" voulait dire qu'il n'avait pas compris cette fois-ci. Je crois que j'ai perdu le sens du goût pour quelques jours ...


Kuch vu depuis une colline avoisinante :


31 juillet 2012 - Sommes-nous si différents en fait ?

Nous avons bien bossé ces derniers jours ! Notre mission ici est de rénover une micro turbine qui fournit l'électricité nécessaire à l'allumage des quelques ampoules pour se repérer la nuit. Après un état des lieux et un coup de peinture, nous avons motivé plusieurs jeunes du village pour nous donner un coup de main à rénover le canal qui achemine l'eau. Nous sommes aussi allés à la rencontre des habitants pour connaître leurs désirs et besoins énergétiques dans un futur proche.


Grâce à ces expériences, nous nous sommes rapprochés des villageois et plus je passe de temps avec eux, plus ce sont au contraire les similitudes entre nous qui me frappent. Les enfants, curieux, nous suivent partout et on les voit rire et se chamailler avec la même insouciance que tous les enfants du monde. Les adultes vont au travail, se répartissent les tâches quotidiennes, se réunissent pour prendre le thé ou bien se querellent pour des motifs plus ou moins importants. Les anciens se réunissent pour prendre les décisions importantes pour le village. En vivant ici je n'ai pas l'impression qu'ils sont "pauvres" comme on pourrait l'imaginer depuis notre point de vue occidental. Ils vivent bien plus modestement c'est sûr, mais ils ne semblent pas plus heureux ou malheureux que nous finalement.



4 août 2012 - Un changement de perspective

Jour du départ, on nous a réservé une très belle cérémonie d'adieu ! Posé dans le bus du retour, j'ai tout le temps d'admirer les rizières qui défilent au rythme d'une musique bollywoodienne qui passe en boucle, et de repasser mentalement ces derniers jours en essayant de mettre de l'ordre dans mes idées.


Et c'est pas gagné, je me sens vraiment confus... Nos modes de vie sont radicalement opposés, mais finalement sont-ils si différents ? L'amour, la joie, le rire, le bonheur mais aussi la colère, la jalousie, la tristesse que nous avons pu observer et partager avec eux durant ce séjour sont tellement similaires à ce que nous vivons quotidiennement chez nous. Les cultures occidentales jugent avec un peu de condescendance les pays moins "développés" sur le plan technologique. Mais leur quête est-elle vraiment si différente de nous ? Ils cherchent simplement à vivre et être heureux avec ce qu'ils ont. Nous cherchons à tout prix à améliorer notre niveau de vie sur le plan matériel pour être plus heureux. Mais après 10 jours à vivre avec un siècle de retard technologique, je me demande si nous ne faisons pas fausse route : ces gens étaient tout aussi heureux et/ou malheureux que toutes les personnes que je croise en France.


Du coup je ne suis plus vraiment sûr de la direction que je dois prendre : qu'est-ce qui nous rend heureux finalement ? Que dois-je faire pour m'épanouir ?

 

Cette aventure au Népal a été l'un des plus intenses et riches de ma vie, et la première d'une série qui va changer ma manière de penser et d'être pour finalement définir la personne que je suis aujourd'hui. Véritable tournant, elle m'a permis de réaliser que la recherche du confort matériel et de plaisirs éphémères n'est pas suffisante pour être heureux.

Et vous, avez-vous déjà rencontré des personnes qui ont tout ce dont on peut rêver et qui pourtant sont mal dans leur peau ? Ou inversement des gens qui semblent dans une situation affreuse et qui malgré tout gardent leur sourire et leur joie de vivre ?

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